Philippe Nemo
29 novembre 2007
La grande question disputée de notre temps est celle de l’émergence d’une humanité une, sur une planète rétrécie depuis un demi-siècle par la mondialisation. Cette humanité objectivement réunie volens nolens peut-elle l’être aussi subjectivement par quelque conscience d’un bien commun ? Et si oui, sera-ce sur une base religieuse ou en mettant en œuvre la seule « raison séculière » ?
On sait que Benoît XVI – ou plutôt, le cardinal Ratzinger – et Jürgen Habermas ont discuté de cette question à l’Académie catholique de Munich en janvier 2004. Ils ont montré les difficultés que rencontrent tant les religions que les « Lumières » quand il s’agit de faire émerger des normes pouvant être reconnues comme universelles. Habermas admet que la raison logique seule a des difficultés à produire des normes stables et il est donc tenté de faire une certaine place aux religions et à leur sagesse. De son côté, le cardinal Ratzinger montre que la raison sécularisée, à laquelle il reconnaît le mérite de pouvoir tempérer le fanatisme religieux, est exposée elle aussi à des dérives, à une hybris qui peut être aussi folle et dangereuse que le fanatisme même – comme on l’a vu par l’usage de l’arme atomique ou comme on pourrait le voir si se réalisait le projet de la biologie moderne de fabriquer des êtres humains comme des produits. Les deux interlocuteurs se quittent sur la promesse de faire dialoguer ces deux sources du savoir humain devenues conscientes de leurs limites respectives.
Il me semble que, si l’on veut avancer dans ce débat, il faut en redéfinir radicalement les termes. Je pense en effet que le vrai problème n’est pas la valeur respective des savoirs produits par les Lumières et de ceux que nous héritons des religions (I), mais l’opposition entre deux visions du monde, l’une, païenne, close sur le monde tel qu’il est, l’autre, biblique, ouverte sur une perspective éthique et eschatologique qui oblige à le transformer (II). De sorte que l’humanité ne peut avancer vers une paix véritable si elle n’est inspirée d’une manière ou d’une autre par l’Évangile (III).